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Stéphanie Kint
Bureau d’ingénieurs et de conseils Greenfish

Auteur:

Elien De Both, Corporate Consultant chez Group Casier, e.de.both@casier.be

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« Dans l'économie circulaire, la technologie n’est pas un but en soi, mais un moyen »
« Dans l'économie circulaire, la technologie n’est pas un but en soi, mais un moyen »

« Nous devons respecter davantage les matériaux et acquérir davantage de connaissances à leur sujet », telle est la conviction de Stéphanie Kint, chef de projet chez Greenfish. « Nous incitons nos clients à ne pas seulement prendre en compte l’output, mais aussi à regarder l'input : quelle en est l’origine et peut-on faire des progrès en termes de circularité et de durabilité avec l'écoconception ? »

Greenfish stimule et conseille les entreprises et les pouvoirs publics qui veulent définir, consolider ou accélérer leur politique de durabilité. Le bureau d’ingénieurs et de conseils accompagne les transitions sur le plan de la durabilité, de la stratégie jusqu’à la mise en œuvre. « Ce n’est pas un bureau de conseils classique », souligne Stéphanie Kint. « La majorité des près de 160 consultants répartis entre cinq bureaux (Bruxelles, Anvers, Amsterdam, Paris et Lyon) sont des ingénieurs. Ils offrent aux entreprises et aux pouvoirs publics un soutien de A à Z dans le cadre de leurs projets de durabilité. Sur le plan de l’énergie, une entreprise spécifique peut déjà nourrir des ambitions claires, par exemple, mais avoir besoin d’un accompagnement technique et d'un suivi. Une autre entreprise peut, quant à elle, avoir besoin d’un conseil stratégique pour formuler une politique en matière de réduction du CO2 et d’efficacité énergétique. Dans les deux cas, Greenfish offre un accompagnement, principalement selon une approche basée sur l’ingénierie. »

Vous avez vous-même suivi une formation d'ingénieur ?

Stéphanie Kint : « En tant qu’architecte-ingénieur civil, je suis un peu une marginale chez Greenfish (rires). La plupart des collègues sont des ingénieurs dans le secteur chimique ou de la science des matériaux. Grâce à cette combinaison d’ingénierie et d’architecture, j'ai une excellente connaissance des matériaux. En tant que chef de projet dans la branche ‘déchets et circularité’, cela m’est très utile. »

En quoi consistent vos services dans le domaine des déchets et de la circularité ?

« Dans la branche ‘déchets et circularité’, nous nous concentrons sur la gestion des déchets (solutions downstream), l’écoconception et les études de marché. Nombre de nos clients ont pris conscience qu’une bonne compréhension du flux de déchets était importante. Greenfish réalise un audit et établit une feuille de route avec des objectifs à court et long terme en vue de réduire les déchets, de recycler plus efficacement... Les interventions peuvent être simples et rapides, mais peuvent aussi aller plus loin : est-il par exemple possible de réaliser un changement du côté des fournisseurs ? De là, nous établissons le lien avec la circularité : nous examinons donc non seulement l’output/downstream, mais aussi l’input : quelle en est l’origine et peut-on réaliser des avancées avec l'écoconception ? Comment la gestion des déchets contribue-t-elle à la réalisation des objectifs de CO2 d’une entreprise ? De nombreuses entreprises veulent également lancer de nouvelles activités au sein de l'économie circulaire. Greenfish intervient alors pour étudier et chiffrer les options. J’adore ce travail. La durabilité et la circularité touchent énormément de personnes et de départements dans une entreprise ou une administration. J’entretiens donc de nombreux contacts et je collabore avec un grand nombre de personnes. C’est un plaisir de voir à quel point ils sont enthousiastes et motivés à l’idée de changer les choses. »

« Sur le plan de la circularité et de la durabilité, l’innovation réside souvent dans une conception ou un modèle économique plus intelligent. »
Stéphanie Kint
Au sein d'une entreprise, il est parfois difficile d’obtenir l'adhésion de tous. Êtes-vous aussi confrontée à ce phénomène ?

« Naturellement. Le changement est toujours difficile. Tout le monde n’est pas immédiatement convaincu de l’impact d’une intervention spécifique, par exemple l’amélioration du tri. Alors que si chacun participe, on observe que les petits ruisseaux font les grandes rivières. C’est la raison pour laquelle nous organisons aussi souvent des ateliers au sein des entreprises et désignons des ambassadeurs, par exemple. La durabilité n’est plus la responsabilité d’un seul manager isolé, mais plutôt des collaborateurs de tous les départements. La politique de durabilité ne vient plus d’une équipe de durabilité à part, elle est désormais plus intégrée. J’espère que, dans le futur, la durabilité sera une seconde nature et que nous deviendrons inutiles. »

Quelle est, selon vous, l’essence d’une économie circulaire ?

« Respecter davantage les matériaux et acquérir davantage de connaissances à leur sujet. Nous devons être plus ‘matéralistes’, pas au sens classique du terme, mais en accordant plus de valeur aux choses que nous achetons et aux matériaux qui les composent. Cela va des vêtements aux matériaux de construction. Si vous choisissez la qualité et des matériaux qui n’ont qu’un faible impact sur l’environnement, vous en tirerez également profit à long terme en tant qu’individu, et au niveau de votre portefeuille. »

Quelles innovations peuvent accélérer la transition vers une économie circulaire ?

« Sur le plan de la circularité et de la durabilité, l’innovation réside souvent dans une conception ou un modèle économique plus intelligent. De nombreuses entreprises sont encore très classiques : il y a des matières premières, on en fait quelque chose et cela génère des déchets. Nous pouvons essayer de produire moins de déchets et de trier mieux, mais il faut parfois oser changer de stratégie. Peut-être certains produits peuvent-ils être loués ? Peut-être le produit peut-il être fabriqué différemment en utilisant une imprimante 3D à la place d’une machine d’extrusion classique, afin de produire moins de déchets ? Les entreprises de production classiques ne sont pas familiarisées avec ce mode de pensée, elles doivent véritablement opérer un changement de mentalité, Greenfish peut les y aider. Nous commençons généralement par le management, pour leur démontrer clairement les avantages de la transition. S'ils y adhèrent, il est plus facile de poursuivre sa mise en œuvre au sein de l'entreprise. C’est un travail de longue haleine, car tout le monde doit participer. C’est ce qui rend les choses intéressantes, mais aussi difficiles. C’est ensuite au tour des autres services, par exemple le service des achats : l’entreprise peut-elle acheter d’autres matériaux, repenser certains emballages... ? De préférence, nous y associons aussi des KPI comme incitant, afin de maintenir la motivation, car on retombe facilement dans ses anciennes habitudes. Si le ‘pourquoi’ est parfaitement clair, nous sommes généralement plus vite prêts à adhérer. Des solutions très créatives sont également proposées, ce qui fait plaisir à voir. »

Quel rôle les nouvelles technologies jouent-elles dans l’économie circulaire ?

« Je vois la technologie comme un outil important, mais le développement ne peut pas être un but en soi. Développer des technologies dans le seul but de les développer n'est guère utile. Le principal défi consiste à réfléchir davantage à long terme et à examiner ce qui se passe après une utilisation par le consommateur. Naturellement, il existe de nombreuses applications technologiques utiles. Je pense par exemple aux applications permettant de partager des objets, comme Peerby, ou aux plateformes sur lesquelles les entreprises peuvent proposer des flux de déchets. Nous devons les technologies de ce type à la forte connectivité actuelle, qui n’existait pas dans le passé. »

Quelle application circulaire a un coût limité, mais un impact important ?

« Trier mieux ! Même moi qui en connaît beaucoup à ce sujet, je doute encore parfois de certaines choses, en particulier avec le nouveau sac bleu. Cela a énormément d’impact, quand je vois comment une petite quantité de déchets mal triés peut polluer le flux de recyclage. C’est une toute petite chose et lorsque le réflexe est pris, cela ne demande pas beaucoup d’efforts supplémentaires. »

Greenfish applique-t-il aussi les principes de l’entrepreneuriat durable et circulaire en interne ?

« Certainement ! C’est l’une des raisons pour lesquelles j'aime tant travailler chez Greenfish : we walk the talk. Nous sommes une entreprise relativement jeune composée de collaborateurs très motivés. Nous trions de manière stricte, avons un budget de mobilité, des vélos pliables électriques, des voitures de pool, nos team buildings sont par exemple des actions de nettoyage, lors de nos événements physiques, les plats végétariens sont le choix standard et la viande ou le poisson sont une exception possible... Cela se reflète aussi naturellement sur le plan personnel, car cela nous inspire à en faire plus. »

En parlant d’événements, vous organisez chaque année une Green Mind University. Pouvez-vous m'en dire plus ?

« Lors de notre Green Mind University annuelle, nous essayons de permettre à différentes personnes et entreprises de s’exprimer à propos de leurs projets de durabilité. Avec les interventions et débats, nous voulons inspirer les personnes et les entreprises à entamer ou accélérer leur transformation durable. Ils sont tous issus de différents secteurs, mais partagent un intérêt commun : obtenir un état des lieux en matière de durabilité et mieux comprendre comment réaliser leurs propres ambitions et contribuer à la neutralité climatique. »

Comment faire adhérer le grand public à la transition vers l’économie circulaire ?

« Quand nous parlons de durabilité, nous avons tous l'habitude d’évoquer surtout ce qui ne va pas : la menace, le climat, les inondations... tandis que l’on peut aussi se concentrer sur le positif. Partager des objets via Peerby m'a notamment permis de faire la connaissance de plusieurs personnes très sympathiques près de chez moi. Et en achetant en seconde main, j’ai déjà pu collecter quelques belles pièces originales qui ont une histoire. Nous devons peut-être mettre plus souvent en lumière des aspects plus positifs, ce que vous faites également avec ce site web. Je trouve en outre qu’il est important de ne pas agir seulement pour ces 2 °C de moins, mais que nous comprenions que cela peut aussi représenter une plus-value pour nous. S’il s’agit de voir les résultats dans 100 ans, cela reste très loin de nous, mais si cela peut améliorer votre vie aujourd'hui, nous emporterons l'adhésion d’un nombre bien plus élevé de personnes et d’entreprises. Pour les entreprises, cela vaut aussi pour la compétitivité. Si les gens ont le choix entre deux produits similaires, dont l’un est durable avec une vision et l’autre sans, un nombre croissant d’entre eux choisiront l'option durable. Les réductions des coûts, par exemple en diminuant les déchets résiduels, assurent également une adhésion plus rapide des entreprises. »

Encore un dernier mot ?

« La collaboration est extrêmement importante si nous voulons devenir durables et circulaires. Nous dépendons tous des autres, par exemple des fournisseurs. Tout a des répercussions dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Tout l’art consiste à obtenir l'adhésion générale et à collaborer. J’ai aussi lu quelque part que les femmes occupant de hautes fonctions sont meilleures que les hommes à cet exercice, mais il n’y a encore que peu de femmes au sommet. Là aussi, il y a donc encore un défi de taille à relever. »

Nous sommes heureux d’avoir encore une fois laissé la parole à une femme !

 

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