Auteur:
Sara Adam, Corporate Consultant chez Group Casier, s.adam@casier.be et Loes Vandromme, Corporate Assistant chez Group Casier, l.vandromme@casier.be
« La circularité est une question de bon sens : il suffit d’utiliser ce qui existe déjà »
« La circularité est une question de bon sens : il suffit d’utiliser ce qui existe déjà »
Comment Circular IT Group s’y prend-il pour prolonger la durée de vie des équipements informatiques ? « Un pilier essentiel consiste à maximiser la réutilisation des appareils, des composants et des matériaux », répond Didier Appels, directeur général de Circular IT Belgique. « Nous souhaitons donner une seconde vie aux équipements informatiques usagés au lieu de les laisser prendre la poussière. »
Après ses études, Didier Appels a brièvement travaillé chez Ernst & Young. Il a ensuite rejoint Fortis Banque (BNP Paribas Fortis depuis 2009). « J’y ai fait une belle carrière. Je m’occupais du marketing pour le segment corporate banking. J’ai été longtemps directeur d’agence, puis directeur de groupe. Close the Gap faisait partie de nos clients à l’époque. Cette organisation à but non lucratif offre des opportunités aux personnes moins favorisées en leur donnant accès à du matériel informatique. Une noble mission. En tant que banquier, je me suis dit qu’ils pouvaient utiliser leur épargne comme levier pour créer plus d’impact. J’ai entamé le dialogue avec eux et Close the Gap m’a demandé si je pouvais les aider dans cette démarche. »
« À la même période, j’ai perdu de manière inattendue l’un de mes meilleurs amis, victime des conséquences d’un mode de vie excessif. Je me suis demandé ce que l’on dirait de moi si je venais à disparaître. J’ai eu de nombreuses opportunités dans ma vie et j’ai reçu beaucoup. Je trouve que rendre quelque chose à la société en aidant Close the Gap à se développer a plus d’impact que de travailler dans une banque. »
Didier Appels : « Effectivement. J’y ai passé environ cinq ans dans le management et j’ai un peu touché au développement commercial. Je me suis familiarisé avec l’économie circulaire et le recyclage informatique. Nous avons notamment construit trois hubs à l’étranger : au Kenya, en Afrique du Sud et au Congo (Kinshasa). Lorsque Arrow, l’entreprise qui traitait les appareils pour Close the Gap, a cessé ses activités de remise à neuf, Close the Gap a voulu offrir une continuité à ses clients. Nous avons donc créé une nouvelle entreprise de remise à neuf : Close the Gap Circular (CTG Circular bv), mais en raison d’une croissance importante et rapide, nous nous sommes heurtés à nos limites. Le groupe néerlandais Circular IT Group a donc repris et intégré nos activités et on m’a demandé de devenir directeur général de Circular IT en Belgique. Je reste également actif chez Close the Gap à titre bénévole et je soutiens Digital for Youth. Ces deux ASBL s’efforcent de favoriser l’inclusion numérique. Ce qui me rend le plus heureux, c’est d’arriver à convaincre une entreprise de donner une seconde vie à un appareil dans le cadre de projets éducatifs. »
« Circular IT Group est un groupe d’entreprises qui couvre l’ensemble de la chaîne de valeur liée à l’utilisation de l’informatique au sein d’une entreprise. Vous pouvez y acheter du matériel neuf ou d’occasion, ainsi que louer des appareils ou des équipements informatiques avec des services supplémentaires. Le groupe est présent en Belgique, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et au Danemark. Par ailleurs, nous avons mis en place un réseau de partenaires en Europe, en Asie et en Amérique. Circular IT Group a pour objectif d’être le partenaire des entreprises désireuses d’intégrer la durabilité dans leur stratégie IT. Très souvent, nous commençons par l’enlèvement du matériel informatique usagé et ajoutons progressivement d’autres étapes. Nous voulons décharger le client au maximum dans ce domaine. Circular IT Belgique se concentre exclusivement sur l’activité ITAD (IT Asset Disposition) qui gère la fin de vie des équipements informatiques. L’élimination des équipements informatiques est toujours traitée en parent pauvre de l’industrie. Et c’est vraiment dommage, car ces biens ont de la valeur et renferment des actifs matériels. »
« Il y a deux trajets possibles : un trajet commercial et le don. Dans le cadre du trajet commercial, nous offrons une certaine somme pour récupérer le matériel informatique ou nous demandons une compensation pour son élimination. Il s’agit d’une sorte d’entrepreneuriat commun. Nous emportons le matériel, l’enregistrons, en effaçons les données (certificat à l’appui) et le vendons. Le produit de la vente revient au propriétaire initial. La valeur résiduelle sert à réaliser de nouveaux investissements informatiques. Dans le cadre d’un don, nous récupérons le matériel informatique et le préparons pour des projets éducatifs. Circular IT Group propose également du matériel informatique dans deux boutiques en ligne : iUsed.com et refurbisheddirect.com. Celles-ci ont pour but de faciliter l’utilisation durable de l’informatique par les entreprises et les particuliers. »
« Circular IT Group offre une valeur résiduelle et des rapports aux entreprises. Voici un exemple tiré d’une étude réalisée en collaboration avec Digital for Youth et l’UCLL : un ordinateur portable réutilisé peut servir à 6,8 enfants en moyenne pendant quatre ans. Le premier impact pour une entreprise est donc social et sociétal. Les jeunes ont accès au matériel informatique et acquièrent ainsi les compétences nécessaires pour bâtir leur avenir. Nous créons également de nouveaux emplois, y compris pour les personnes éloignées du marché du travail. C’est très important pour moi à titre personnel. De nombreuses personnes sont en rupture avec le marché du travail, notamment parce qu’elles sont issues de l’immigration, vivent dans la pauvreté ou sont peu qualifiées. Le travail peut être un tremplin vers un avenir meilleur. »
« Par ailleurs, il y a l’impact écologique. En prolongeant la durée de vie d’un ordinateur portable, nous évitons la production d’un modèle neuf et l’extraction de matières premières, le transport et la consommation d’énergie qui en découlent. Par ordinateur portable dont l’utilisation est prolongée de quatre ans, cela équivaut à 160 kg d’émissions de CO2 en moins. Cet impact écologique gratuit ne nécessite pas de budget ESG ou de développement durable dédié. C’est une démarche que les entreprises doivent faire de toute façon pour éliminer leurs anciens appareils informatiques. C’est là toute la beauté de la chose. »
« Enfin, il faut citer l’impact stratégique et c’est nouveau. Si nous parvenons, en tant que continent, à réutiliser ce que nous possédons déjà, nous serons moins dépendants de l’afflux ou de l’approvisionnement en provenance de Taïwan, de Chine, d’Amérique… Nous n’avons pas toutes les matières premières en Europe, mais nous disposons d’un grand potentiel d’urban mining. »
« Les clients entrants sont très diversifiés. Ils sont souvent issus du secteur pétrolier et gazier, du secteur financier ou des PME. Le client idéal est une grande multinationale, car c’est là que nous excellons. Quand nous pouvons collecter des volumes importants, il s’agit souvent des mêmes appareils et nous travaillons avec le même processus, les mêmes rapports et les mêmes délais. »
« Nous avons deux types de flux sortants : vers des projets à impact, tels que Digital for Youth et Close the Gap, et vers des clients commerciaux en Belgique et à l’étranger. Close the Gap et Digital for Youth reçoivent du matériel informatique offert par des entreprises. Nous le traitons et le préparons à la réutilisation pour qu’ils puissent le distribuer. »
« Les entreprises utilisent des appareils récents de marques de qualité. Dans les habitations privées, il s’agit souvent de vieux appareils de marques inférieures. Leur potentiel de réutilisation est très faible. Les particuliers déposent leur ancien matériel informatique au point Recupel de leur parc à conteneurs, mais il n’y a pas de suivi ou de contrôle des données qui se trouvent encore sur les appareils. On pourrait imaginer un modèle commercial où Recupel demande à des entreprises comme la nôtre d’effacer les données de ces appareils avant qu’ils soient détruits. »
« La circularité est une question de bon sens. Il suffit d’utiliser ce qui existe déjà. Nous consommons beaucoup trop. »
« Chaque trajet vise à maximiser la réutilisation du matériel informatique, à commencer par l’appareil proprement dit, puis ses composants et enfin les matériaux. Notre entreprise est leader du marché en Belgique dans son secteur. Nous traitons 180 000 biens informatiques par an, dont 60 000 ordinateurs portables. Cela ne représente encore que 10 % des ordinateurs portables remplacés chaque année en Belgique. Où est donc le reste ? La triste réponse est qu’ils se trouvent dans le sous-sol d’une entreprise, qu’ils sont donnés ou vendus sans en effacer les données… Beaucoup de flux sortants ne sont pas durables. Nous essayons de proposer une alternative à cela. L’ambition de Circular IT Group est de figurer parmi le top 3 du secteur en Europe. »
« L’économie circulaire à l’échelle industrielle est importante pour nous. Nous voulons sortir le matériel informatique usagé de l’oubli. Pensez aux voitures d’occasion d’il y a 15 ans. Tout le monde s’en moquait, mais aujourd’hui, toutes les marques haut de gamme ont une offre de seconde main de qualité. Nous souhaitons qu’il en soit de même pour le matériel informatique. Pour ce faire, il faut faire preuve d’un professionnalisme manifeste dans le processus. Cela passe à la fois par le reporting et par l’expérience de collaboration avec nous (y compris le transport et le suivi). La satisfaction du client ou l’expérience utilisateur est importante pour les clients entrants et sortants. »
« Dans ce domaine, nous collaborons avec des organisations telles que ZORA Werkt, un partenariat entre les administrations locales de la zone sud-est (ZORA) d’Anvers portant sur l’orientation et l’activation professionnelles, l’économie sociale et le travail de proximité. ZORA Werkt recherche des stages et des emplois pour les personnes en rupture avec le marché du travail. Certains collaborateurs ont commencé chez nous par ce biais et ont maintenant des contrats de travail fixes. C’est aussi une manière de créer de l’impact et des emplois. Il y a tant de gens qui cherchent des opportunités, alors donnons-les-leur. »
« Close the Gap soutient toute une logique Nord-Sud : récupérer du matériel en Europe et l’expédier dans les pays en développement après sa remise à neuf. C’est une belle et nécessaire démarche, mais le transport maritime génère aussi des émissions de CO2. En récupérant directement du matériel dans les pays en développement et en le déployant sur place, nous nous inscririons dans une approche plus régionale. Cela serait sans doute préférable à l’envoi international de marchandises. Cela créerait également des emplois locaux et stimulerait l’économie locale, à moindres frais. »
« Nos processus sont bons et nous sommes certifiés ISO. Chaque appareil est enregistré, les données sont effacées et nous voyons ensuite ce que nous pouvons en faire. Un problème se pose quand l’appareil est verrouillé, par exemple si l’utilisateur d’un iPhone n’est pas déconnecté ou si l’appareil est verrouillé par un système MDM. Dans ce cas, nous ne pouvons pas supprimer les données et l’iPhone n’est pas réutilisable. La règle veut que nous protégions toujours les données, ce qui nous oblige parfois à détruire des smartphones tout neufs. C’est regrettable. Nous sommes toujours à la recherche d’optimisations dans ce domaine. »
« Actuellement, seuls l’effacement des données et l’inventaire sont automatisés par le logiciel. La somme d’un contrôle manuel et d’un contrôle numérique donne lieu à un classement. Nous pourrions envisager d’automatiser cette étape à l’avenir grâce à l’IA. Cela libérerait du temps pour que notre personnel puisse effectuer des réparations mineures, retirer des composants des appareils, etc. Je pense qu’il y a là une piste d’amélioration future. L’emballage pourrait également être réalisé mécaniquement, mais c’est un investissement coûteux. Nous n’en sommes pas encore là. »
« Très souvent, notre activité est associée à la durabilité, mais je pense qu’elle n’est malheureusement plus une priorité. Dans le contexte actuel, l’attention se porte sur la défense, au détriment de l’environnement et de la durabilité. Tout le monde a en quelque sorte perdu de vue l’objectif initial de la durabilité. Pour moi, la durabilité consiste davantage à préparer l’avenir de nos organisations et de notre société. En réutilisant ce qui existe déjà. Si nous y parvenons, les matériaux et les appareils seront encore disponibles pour les générations futures. »
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