Peerby & Freefloat3
Lieven D’hont
Peerby.be et Freefloat.be

Photographe:

Peerby

Auteur:

Elien De Both, Corporate Consultant chez Group Casier, e.de.both@casier.be

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« Instaurer l’utilisation partagée comme la nouvelle norme »
« Instaurer l’utilisation partagée comme la nouvelle norme »

Pour Lieven D’hont, cofondateur de Peerby Belgium et de Freefloat, l’économie de partage et l’économie circulaire sont indissociablement liées. « L’utilisation partagée de produits dont nous n’avons que rarement besoin constitue l’une des solutions à la surproduction et à la surconsommation. Moyennant un petit effort, nous pouvons accroître énormément l’efficience d’un produit. »

80 % de nos produits sont utilisés moins d’une fois par mois. Emprunter ou louer une foreuse, une valise ou une marquise est plus avantageux que de l’acheter, et c’est également meilleur pour notre planète. Car plus nous partageons, moins nous avons besoin de produits, ce qui abaisse à la fois la consommation de matières premières et les émissions de CO2. C’est en partant de ce constat que Lieven D’hont a fondé en 2014 l’ASBL WijDelen, de concert avec Kristof Morlion et Ludo Dhelft. « Cette même année, nous sommes devenus le représentant de Peerby en Belgique, un site Web et une appli qui permettent d’emprunter rapidement des objets utilitaires chez les voisins. »

Comment Peerby fonctionne-t-il exactement ?

Lieven D’hont : « Le point de départ, c’est la confiance entre voisins qui acceptent de partager du matériel. La plateforme permet aux personnes de se trouver. Notre plateforme de partage — première du genre — est pilotée par la demande : au lieu de rassembler tous les produits et de les mettre à disposition, le site Web/l’appli demande ce dont vous avez besoin. Peerby demande ensuite aux voisins qui d’entre eux dispose de l’article demandé. Les personnes susceptibles d’aider réagissent à cet appel. Il y a ainsi de grandes chances que vous trouviez près de chez vous quelqu’un qui possède ce dont vous avez besoin. Un autre avantage de ce mode de fonctionnement est que vous ne devez pas immédiatement ajouter tous vos appareils sur la plateforme. Vous attendez simplement que quelqu’un pose une question à laquelle vous pouvez répondre. Cela rend cette plateforme très conviviale. En outre, cela débouche souvent sur des interactions inattendues entre voisins. »

Lieven D’hont et collègues
La plateforme a donc non seulement une plus-value écologique, mais également sociale ?

« En effet. L’utilisation plus intensive d’objets utilitaires renforce par la même occasion la cohésion sociale. Outre la confiance mutuelle, la volonté d’entraide constitue une autre raison importante du succès de la plateforme. Lorsque nous prêtons gratuitement une échelle, une bêche ou une foreuse au voisin, c’est parce que nous aimons aider notre prochain. Si vous demandez une petite indemnité pour prêter votre triporteur ou remorque pendant une journée, vous le faites surtout parce que vous pouvez ainsi faire plaisir à quelqu’un. Et cette idée vous rend aussi heureux. Prenons mon exemple : je partage énormément et il ne se passe pas une semaine sans que mon vélo pliant, mon triporteur ou d’autres objets ne soient utilisés par d’autres. J’habite près d’un petit parc entouré d’un nombreux voisinage. Dernièrement, mon voisin m’a prêté sa scie sauteuse. Un couple est venu emprunter le vélo d’enfant de ma fille pour apprendre à leur fils à faire du vélo. Il s’agit de donner et de recevoir, et les réactions et interactions plaisantes qui en découlent font toute la valeur du système. Les utilisateurs nous rapportent régulièrement faire de nouvelles connaissances grâce à Peerby, ce qui est bien entendu une conséquence positive. Il ne doit pas forcément s’agir de longues amitiés, mais ces petites interactions sociales créent un sentiment de bien-être qui peut être une plus-value, surtout dans les grandes villes. »

« Le but visé est que le produit soit utilisé le plus longtemps possible par un maximum de personnes. »
Lieven D’hont
Combien coûte l’utilisation de Peerby ?

« Tout le monde peut s’inscrire gratuitement sur la plateforme et parcourir ainsi sans limite l’offre et proposer des objets à prêter ou à louer. Si vous prêtez gratuitement, vous ne payez bien entendu absolument rien. En cas de location, nous demandons au loueur une commission de 15 % du montant de location pour frais de service et de garantie. Si vous souhaitez emprunter ou louer quelque chose, nous vous demandons de devenir membre de la communauté Peerby et de verser une cotisation (23,88 euros pour un abonnement annuel ou 2,99 euros par mois). Ce modèle fonctionne pour nous. Il est rentable et évolutif. Nous veillons à ne pas imposer trop de règles et de conditions. Les objets que vous prêtez ou louez sont couverts par la garantie Peerby. Cette garantie protège les propriétaires contre les dommages, la perte et le vol jusqu’à un montant maximal de 2 000 euros. »

À travers WijDelen, vous cherchez également d’autres manières de promouvoir le partage peer-to-peer de produits. Pouvez-vous nous donner des exemples ?

« L’ASBL WijDelen place l’utilisation partagée dans un cadre plus large. Peerby est l’un des moyens pour la stimuler. Entre-temps, on trouve de nombreux Repair Cafés et plusieurs outilthèques / bibliothèques d'objets, des initiatives auxquelles nous apportons notre soutien. Nous voulons aller encore plus loin en permettant également à des fabricants de louer leurs produits comme un service. Sous le dénominateur de Peerby Pro et avec le soutien de Vlaanderen Circulair, nous avons demandé à des fabricants d’envisager de louer leurs produits via notre plateforme. Un fabricant de broyeurs et de scarificateurs a été l’un des premiers à répondre favorablement à cet appel. Nous avons ainsi pu tester dans quelle mesure ces produits peuvent être partagés et fournir un feed-back au fabricant sur la base de l’utilisation de ses produits via notre plateforme. Nous avons également étudié comment ce fabricant peut faire évoluer son modèle commercial linéaire, basé sur la vente d’un certain nombre de produits par an, vers un modèle circulaire où un même appareil est utilisé par plusieurs personnes. L’objectif de l’ASBL est d’instaurer l’utilisation partagée comme nouvelle norme dans notre société. »

Webinaire de lancement « Green Deal Huren en Delen » le 15 décembre 2021
Peerby Pro a également donné naissance à une autre plateforme : Freefloat.be. Quel en est l’objectif ?

« Le but est d’encadrer les entreprises pour rendre les appareils qu’elles louent free floating sur la plateforme Peerby. Free float signifie que l’appareil ne revient pas à chaque fois à un dépôt central, mais passe directement d’un utilisateur à un autre dans le voisinage. Cela permet d’économiser des transports, tout en encourageant les contacts entre voisins lors du transfert de l’objet. »

Vous collaborez également au Green Deal Huren en Delen (louer et partager). Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?

« C’est le tout nouveau projet de l’ASBL WijDelen. Nous allons le présenter officiellement lors d’un webinaire de lancement le 15 décembre. La location contribue à l’utilisation partagée. Beaucoup de sociétés ont déjà adopté ce modèle d’entreprise, surtout pour les professionnels et dans une mesure limitée pour les particuliers. Pensez par exemple à Huurland. L’offre existe, mais elle reste relativement méconnue. Or l’inconnu fait peur, et c’est donc là l’un des premiers défis que nous entendons relever avec le Green Deal Huren en Delen, en collaboration avec Vlaanderen Circulair. The Circular Kickstart et Greenfish nous encadrent dans ce trajet. Pour les produits dont nous n’avons que rarement besoin, nous souhaitons déplacer la norme sociale de la possession vers l’utilisation. La qualité prime le prix, car le but visé est que le produit soit utilisé le plus longtemps possible par un maximum de personnes. Vous pouvez par exemple acheter un nettoyeur haute pression de 70 euros, mais vous pourrez l’utiliser tout au plus dix fois parce qu’il est de mauvaise qualité. Un bon nettoyeur haute pression est plus coûteux, mais s’il est utilisé de façon correcte, il durera beaucoup plus longtemps. Dans le cadre du Green Deal, nous souhaitons entre autres simplifier les procédures des sociétés de location et mettre en place un parcours client optimal. Idéalement, vous devez pouvoir tout régler rapidement en ligne et retirer l’appareil le lendemain, ou le faire livrer à votre porte. L’appareil est ensuite collecté et poursuit son périple dans le voisinage. »

Quelle est, selon vous, l’essence de la circularité ?

« J’attache beaucoup d’importance au mot “collaboration”. Le trajet n’est pas linéaire, mais circulaire, et nous devons le parcourir ensemble. Nous devons prendre conscience à quel point nous sommes dépendants les uns des autres. En cherchant ensemble des solutions à des problèmes difficiles, nous allons y arriver. L’économie linéaire implique également une collaboration, mais d’une autre manière et avec une dynamique différente. Dans l’économie circulaire, la collaboration implique la réciprocité, nous devons travailler ensemble à la régénération. »

Comment les innovations technologiques peuvent-elles contribuer à la reconversion d’une économie linéaire en économie circulaire ?

« Avec Peerby Pro, nous avons appris que toute la technologie est déjà disponible pour rendre les produits free floating et en assurer la traçabilité par voie numérique. Ce n’est pas encore faisable ou rentable pour tous les produits, mais c’est déjà le cas pour certains. Vous pouvez munir une remorque d’un traqueur, par exemple. Lorsque l’impulsion sera donnée et qu’un groupe plus important de la population se rendra compte que le climat est l’affaire de tous et que nous pouvons sauver la planète en unissant nos efforts, les réflexes actuels changeront. L’achat d’un appareil rarement utilisé représente une sollicitation supplémentaire pour notre planète. Nous acquérons des matières premières que nous conservons sans aucune utilité. Tout le monde connaît l’empreinte CO2, mais peu de gens réfléchissent à leur empreinte matérielle. Moyennant un petit effort, nous pouvons accroître énormément l’efficience d’un produit. »

Comment sensibiliser le grand public à cette vision ?

« En facilitant le partage. Il doit devenir aussi simple que la commande en ligne d’un article. Toutes les fourgonnettes qui circulent actuellement pourraient aussi bien transporter le broyeur de Jean chez Pierre et déposer en route d’autres ustensiles chez les personnes qui souhaitent les utiliser. Il faudra que ce soit aussi simple que cela. Il reste un certain nombre d’obstacles en matière de prix. Mais à mesure que le volume d’utilisation partagée augmente, le processus deviendra également plus efficient. En fait, cela revient surtout à prendre davantage soin des produits. À l’heure actuelle, notre société investit beaucoup d’énergie dans la fabrication de produits (sur des chaînes de montage les plus productives possible). En consacrant cette énergie à prendre soin de ce que nous avons déjà et à concevoir de meilleurs produits pouvant facilement être partagés, tant notre empreinte CO2 que notre empreinte matérielle diminueront considérablement. L’inconnu fait peur et c’est le défi que nous devons relever. C’est ce que je qualifie de campagne BOB pour le partage. Le Green Deal va accroître la visibilité de nos actions. Tout le monde doit connaître l’offre actuellement disponible. »