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Alexander Van Heuverswyn
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PyroCore

Auteur:

Stefan Van Caillie, Corporate Consultant chez Group Casier, s.van.caillie@casier.be

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« La pyrolyse présente un énorme potentiel »
« La pyrolyse présente un énorme potentiel »

Le recyclage mécanique laisse encore jusqu’à 5 à 25 pour cent de recycling rejects qui sont actuellement mis en décharge ou incinérés. La pyrolyse offre une solution à cette situation. « Le traitement thermique sans ajout d’oxygène permet de valoriser davantage certains flux de déchets en récupérant des matières premières. L’énergie ainsi libérée constitue une alternative à l’énergie produite à partir de combustibles polluants en CO2 », souligne Alexander Van Heuverswyn, directeur commercial de PyroCore.

PyroCore ne possède pas d’usine propre, mais vend des « systèmes » de pyrolyse. Alexander Van Heuverswyn : « Nous proposons une solution décentralisée sur les sites de nos clients pour transformer le coût (d’élimination) de leurs flux de déchets (recycling rejects) en une source de revenus. Grâce à nos installations, nos clients parviennent à repousser les limites actuelles du processus de recyclage. Lors du traitement thermique à une température comprise entre 600 et 900 °C selon le type de flux de déchets, une réaction chimique se produit. Elle libère, d’une part, un “char” pouvant contenir des matières premières valorisables et, d’autre part, de l’énergie. »

De l’énergie que le client peut réutiliser dans le processus de recyclage ?

Alexander Van Heuverswyn : « En effet. L’énergie libérée lors du processus de pyrolyse peut par exemple servir à chauffer l’eau utilisée pour laver les bouteilles en PET. Cela permet d’éviter d’avoir recours à une autre source d’énergie – fossile – et d’émettre du CO2. Le traitement thermique à haute température, qui est autoentretenu tant qu’un flux de déchets est fourni, libère des résidus riches en carbone, appelés “char”. Ceux-ci contiennent encore souvent des matières premières encore valorisables. Il est par exemple possible de récupérer l’aluminium des plastiques multicouches ou la fibre de verre des pales d’éoliennes. Nous pouvons aussi capter – séquestrer – ce carbone dans un autre matériau à longue durée de vie, comme les matériaux de construction. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui le CCUS (Carbon Capture & Utilisation Storage). Les chars séquestrés dans ces matériaux de construction peuvent être négociés en ligne, via des plateformes spécialisées, avec des entreprises qui souhaitent devenir ou sont totalement neutres en carbone et qui veulent également compenser leurs émissions polluantes passées. En plus de cette séquestration, le char peut également être utilisé pour purifier l’eau, pour produire du charbon actif ou pour piéger des nutriments dans le sol par exemple. »

Pour quels flux de déchets la pyrolyse peut-elle être utilisée ?

« Actuellement, nous traitons principalement des déchets plastiques, des déchets médicaux, de la biomasse et du polyester renforcé de fibres de verre (PRV), le matériau à partir duquel les pales d’éoliennes sont fabriquées. Au terme de leur période de subvention, de nombreuses éoliennes sont démolies. Leur recyclage constitue un véritable défi pour le secteur. Nous avons donc développé une solution pour relever ce défi. En ce qui concerne le PRV, nous ne laissons pas la température de pyrolyse monter trop haut (le contrôle flexible de la température est l’un des avantages de cette technologie) afin de pouvoir extraire les fibres de verre du charbon. Ces fibres peuvent être utilisées pour fabriquer des tuyaux ou des meubles, pour renforcer le béton, etc. La libération d’énergie lors de la pyrolyse est un avantage supplémentaire, mais elle ne représente pas notre modèle économique ultime. Nous nous dirigeons de plus en plus vers un monde où les matières premières ne seront plus détruites pour produire de l’énergie, mais où elles seront récupérées et où l’énergie libérée au cours de ce processus sera utilisée comme substitut à l’utilisation de combustibles fossiles. »

« Les autorités publiques, responsables de fixer et de réactualiser les normes, seront selon moi le véritable catalyseur vers plus de circularité. »
Alexander Van Heuverswyn
Pouvez-vous nous donner un exemple dans le secteur médical ?

« Bien sûr. Un client nous a récemment demandé de lui proposer une solution pour valoriser le film d’aluminium à l’arrière des plaquettes de médicaments. Mécaniquement, le processus est complexe, mais la pyrolyse nous permet de surmonter la difficulté et de résoudre le problème. La boucle est ainsi pratiquement bouclée. À l’avenir, nous optimiserons davantage nos systèmes pour d’autres flux de déchets, mais pour l’instant, nous nous concentrons sur les déchets plastiques, les déchets médicaux, la biomasse et le PRV. Cette spécialisation est cruciale. De nombreux acteurs du monde de la pyrolyse prétendent pouvoir tout faire mais ne tiennent pas leurs promesses, ce qui nuit à l’image même de la pyrolyse. Nos clients peuvent attester que notre technologie fonctionne parfaitement pour les flux de déchets mentionnés ci-dessus et nous voulons que cela continue. C’est la raison pour laquelle nous ne nous éparpillons pas trop. Néanmoins, nous testons chaque mois de nouveaux flux de déchets possibles, tels que récemment les résidus de tapis ou encore les boues résiduelles issues de l’épuration des eaux usées industrielles, en regardant à chaque fois ce que le client pourrait réutiliser/recycler dans son processus de production ou ce qu’il pourrait vendre. »

Comment se déroule la présentation d’un tel système de pyrolyse au client ?

« Au départ, le client cherche surtout à réduire ses coûts de traitement des déchets. Quand on lui explique que la solution proposée, en plus de réduire les coûts de traitement des déchets de l’entreprise, renforcera également son image circulaire et RSE, l’argument porte ! Les entreprises sont de plus en plus conscientes de l’importance de la circularité. »

PyroCore est-elle une entreprise britannique ou belge ?

« À la suite d’une acquisition, PyroCore fait partie depuis fin 2018 d’un fonds belge, 3T Finance, qui est géré par des entrepreneurs. PyroCore est une société belge basée à Bruxelles, qui possède également une filiale à Bristol. C’est principalement là que se trouvent les activités de production et d’ingénierie. Les actions commerciales sont menées depuis Bruxelles. Nous avons également une équipe commerciale au Royaume-Uni et en Europe francophone. »

Pour vous, qu’est-ce que la circularité en une phrase ?

« Revaloriser les déchets. Ce qui est déchet aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain. »

Quelles innovations technologiques peuvent accélérer la transition vers une économie circulaire ?

« Dans le secteur du recyclage, le recyclage mécanique reste l’activité principale. Personnellement, je vois beaucoup de potentiel dans le recyclage chimique, et notamment la pyrolyse. Prenons l’exemple de Renasci à Ostende. Les déchets mixtes – plastiques, métaux et biomasse – y sont automatiquement sélectionnés et triés à plusieurs reprises. Après le tri, les déchets plastiques sont d’abord traités mécaniquement ; lors d’une deuxième étape, les matières résiduelles sont recyclées chimiquement en huile de pyrolyse circulaire et en fractions de produits plus légères. C’est là que nous intervenons : nous proposons une solution pour valoriser les recycling rejects et ainsi boucler la boucle. Cette étape de revalorisation est vraiment indispensable pour évoluer vers une économie toujours plus circulaire et améliorer la situation actuelle. »

Comment se traduit l’évolution circulaire au sein de PyroCore et chez vos clients ?

« Eh bien, plus nous générons de chiffre d’affaires, plus l’évolution circulaire se poursuit puisque nous proposons des solutions qui favorisent la circularité. Cela commence par de petits changements de comportement, comme le passage d’une flotte de voitures diesel, principalement destinées aux déplacements domicile-travail, à une nouvelle stratégie de mobilité moins dépendante d’automobile, en particulier grâce au développement du télétravail. À propos de ces voitures, il s’agira au minimum de modèles hybrides, dotés de sièges en plastique recyclé, etc. Enfin, on en arrive à une réflexion globale sur la circularité et l’empreinte carbone à tous les niveaux de l’entreprise dans la réalisation de son cœur de métier. Nos clients sont de véritables pionniers qui souhaitent assurer la circularité jusqu’au bout. Ce sont souvent les petites entreprises qui font le premier pas : elles jouissent d’une plus grande agilité et de plus de flexibilité pour mettre en œuvre une telle décision en leur sein et elles souhaitent se distinguer de leurs concurrents grâce à cette philosophie circulaire. »

Quelle place la circularité occupe-t-elle dans votre sphère privée ?

« J’essaie surtout de transmettre à mes enfants l’idée que les matières premières dont nous disposons aujourd’hui ne sont pas infinies. Chacun implémente ce constat à sa manière. Personnellement, je n’achète pas souvent de vêtements de deuxième main, mais j’apporte régulièrement de vieux meubles à la brocante plutôt qu’au parc à conteneurs. Un piège de l’économie circulaire, et plus particulièrement de la réutilisation, est que nous devons faire attention à ne pas mettre d’autres économies en péril. Il ne faut en effet pas oublier que nous vivons dans une économie mondiale. J’ai eu l’occasion de me rendre au Kenya il y a quelque temps. J’y ai entendu dire que les habitants préfèrent parfois porter des chaussures européennes d’occasion plutôt que des chaussures africaines neuves. Ceci se fait au détriment des producteurs et commerçants africains locaux. Parfois, nous ne réalisons pas l’impact de notre comportement local au niveau mondial. Il est également important de réfléchir à cette problématique. »

Comment sensibiliser le grand public à cette vision circulaire ?

« Je trouve personnellement l’économie circulaire passionnante, mais je pense que les autorités publiques seront le véritable catalyseur vers plus de circularité : ce sont elles qui fixent les normes (en concertation bien sûr). Par exemple, en fermant les décharges, en durcissant les règles d’émission et en sanctionnant financièrement la non-réutilisation, elles obligeront les entreprises à s’adapter (bon gré mal gré). Bien sûr, cela représente un coût important pour les entreprises, mais nous ne pouvons pas continuer à alimenter cette spirale de gaspillage. Les jeunes générations en sont conscientes, elles achètent et pensent déjà de manière circulaire.

Prenons l’exemple d’un fabricant de sièges auto qui souhaite nous acheter un système de pyrolyse. Les tests de récupération de certaines matières premières de ce siège auto sont concluants. Mais en bout de course, ces sièges auto ne retournent pas chez lui. À terme, un mécanisme sera mis en place pour obliger les producteurs à récupérer eux-mêmes leurs produits. Nous disposons heureusement déjà du mécanisme Recupel. Souvenez-vous de l’époque où votre vieux réfrigérateur finissait sur une montagne d’ordures ! Aujourd’hui, les anciens réfrigérateurs sont collectés et en partie recyclés. Recupel a été une véritable révolution à cet égard. À l’avenir, je vois une évolution similaire pour un nombre accru de produits grâce à une implication directe des producteurs.

En ce qui concerne le grand public, je pense que la pensée circulaire ne prendra réellement forme que lorsque des mesures positives seront prises, des mesures que le public ressentira au niveau de son portefeuille, par exemple par le prélèvement d’une caution sur certains emballages. »

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