An Steegen
Barco

Auteur:

Pieter-Paul-Casier, CEO Group Casier, p-p.casier@casier.be, et Loes Vandromme, Corporate Assistant chez Group Casier, l.vandromme@casier.be

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« L’innovation est le moteur de la croissance durable »

« L’innovation est le moteur de la croissance durable »

Chez Barco, l’aspect écologique est intégré au processus de production dès la phase de conception. An Steegen, CEO : « En mettant l’accent sur l’écoconception et l’approvisionnement responsable, nous réduisons notre empreinte carbone. Dans le même temps, nous restons très performants en termes de qualité et d’innovation et nous continuons à montrer la voie. »

An Steegen est ingénieure civile en science des matériaux et titulaire d’un doctorat en microélectronique. Elle a rejoint le conseil d’administration de Barco en avril 2017. « Je travaillais à l’IMEC à l’époque et j’avais auparavant occupé un poste chez IBM aux États-Unis. En 2018, j’ai intégré Umicore. J’y ai été étroitement impliquée dans la définition de la stratégie de développement durable et l’innovation dans ce domaine. J’ai beaucoup appris sur ce qu’est le développement durable et ce qu’il signifie pour une entreprise. En septembre 2021, on m’a demandé d’assumer le rôle de CEO chez Barco, avec Charles Beauduin. Depuis le 1er octobre 2024, je suis l’unique CEO. »

Pourquoi avez-vous quitté la technologie pour l’industrie ?

An Steegen : « Je voulais non seulement contribuer au développement de nouvelles technologies de pointe, mais aussi les voir aboutir à des produits finis et contribuer à leur commercialisation. La proposition de Barco m’a ramenée à mes racines, à mon expertise en électronique et en optique. Et ce, dans une entreprise qui déploie depuis longtemps des efforts soutenus pour améliorer la durabilité de sa chaîne de production. Depuis 2022, je siège également au conseil d’administration de l’entreprise néerlandaise de haute technologie ASML, à la fois au sein du Technology Committee et de l’ESG Committee, ce qui est bien sûr un honneur, car ASML est un leader mondial absolu dans l’industrie des semi-conducteurs. »

An Steegen — Barco
Quelles sont précisément les activités de Barco ?

« Barco offre des solutions avancées de visualisation et de mise en réseau dans trois secteurs : Healthcare, Entertainment et Enterprise. Barco est un spécialiste du traitement de l’image et des solutions de mise en réseau. Il s’agit du fil conducteur de tous nos produits et des 90 années d’expertise de Barco. Sur chacun de ces marchés, nous voulons être le numéro un et lancer la tendance grâce à de nouveaux produits révolutionnaires. Dès que les données vidéo sont créées, Barco en assure la maîtrise. Si l’on considère la chaîne de visualisation, une caméra produit des données vidéo brutes, qui doivent être traitées et transportées vers un écran (LCD, projecteur, mur LED ou écran de contrôle). Barco s’occupe à la fois du post-traitement, du transport sur le réseau et de la technologie d’affichage. L’innovation est extrêmement importante à cet égard, nous devons vraiment être visionnaires. Vous avez également besoin de volume pour remplir vos usines et créer de la capacité. Nous travaillons d’abord sur des produits haut de gamme, puis nous en faisons des produits dérivés, ce qui nécessite des compétences différentes. »

« Sur chacun de nos marchés, nous voulons être le numéro un et lancer la tendance grâce à de nouveaux produits révolutionnaires. »
An Steegen
Que nous réserve l’avenir en termes d’innovation ?

« Outre la visualisation des données, on observe un besoin important en matière d’analyse des données. Prenons l’exemple des radiologues qui prennent des milliers d’images. Nous pouvons appliquer des techniques d’analyse de données à ces images, ce qui permet aux médecins d’obtenir des synthèses visuelles qui indiquent notamment les anomalies. Nous pouvons également y appliquer l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle, afin que l’ordinateur effectue des analyses qui peuvent aider le médecin à prendre des décisions. L’étape suivante est l’IA générative. En surveillant ces milliers d’images, comment prévoir où se situent les points sensibles et ce à quoi il faut prêter attention ? L’apprentissage automatique et l’IA faciliteront le flux de travail des opérateurs de nos produits. Étant donné que nous opérons sur des marchés de niche, nous avons accès aux données qui passent par nos solutions de réseau. Par conséquent, l’extension de la chaîne de visualisation — par des analyses en temps réel ou la superposition de données — a lieu de manière « naturelle », en nous appuyant sur notre base matérielle installée. L’innovation matérielle se concentre sur la commande vocale, la visualisation en 3D et, à terme, les hologrammes en 3D. »

Au cours des dernières années, vous avez réalisé un exercice CSRD approfondi. Comment l’avez-vous abordé ?

« Nous avons procédé à une évaluation de la double matérialité, à partir de laquelle nous avons fixé nos priorités et défini nos objectifs. Notre équipe ESG coordonne ce processus et collabore avec toutes les unités opérationnelles. Nos objectifs pour 2027 et 2050 sont définis dans notre Sustainable Impact Journey. Mais l’exercice ne s’arrête pas là. À présent, il nous faut bien sûr affiner nos feuilles de route et nous assurer que nous pouvons atteindre ces résultats. »

L’un de vos objectifs est de prolonger la durée de vie de vos produits. Comment comptez-vous y parvenir ?

« Nous réalisons une analyse du cycle de vie (Life Cycle Assessment, LCA) pour chaque produit. Pour un projecteur de cinéma, par exemple, nous visons une durée de vie de 12 à 15 ans. Nous utilisons désormais un laser au lieu d’une lampe comme source lumineuse. Par conséquent, le projecteur dure plus longtemps et le coût global pour la chaîne de cinémas est moins élevé. C’est une bonne chose, car les clients accordent de l’importance à la réduction des coûts, et si la nouvelle solution est également plus durable, c’est la cerise sur le gâteau. En fin de compte, la question est de savoir si le client final est prêt à payer ce prix. La durabilité est certainement un facteur de différenciation, mais il ne faut pas non plus que le prix soit supérieur de 20 % sur le marché final. Pour nous, la durabilité est une variable distincte, au même titre que les spécifications techniques et énergétiques. Et c’est sans aucun doute un avantage concurrentiel. Barco Entertainment détient une part de marché de plus de 60 % dans le domaine des projecteurs de cinéma numériques. Cette masse critique nous permet de continuer à investir dans l’innovation et la durabilité. »

Comment étendez-vous votre stratégie de développement durable à votre chaîne d’approvisionnement ?

« Nous savons quels produits nous mettons sur le marché, mais gérer et contrôler la chaîne d’approvisionnement est une autre histoire. Nous fixons des objectifs et des lignes directrices à cet égard. »

Où en est Barco en matière de réutilisation ?

« La réutilisation dépend du produit. Parfois, il n’est pas facile de suivre un produit tout au long de son cycle de vie. En revanche, pour les produits que nous proposons directement au client final, nous savons ce qu’il en est. Nous proposons également des modèles de leasing : des modèles ‘as-a-service’. Ces produits restent les nôtres, et nous pouvons les rappeler et les remettre à neuf. »

Quel rôle les pouvoirs publics devraient-ils jouer pour accélérer la transition en matière de développement durable ?

« Il s’agit d’abord de définir les secteurs que nous ciblons et ce que signifie la circularité dans ces secteurs. Les pouvoirs publics peuvent veiller à ce que les entreprises restent compétitives et se développent, car sans croissance économique, il est très difficile de s’engager sur la voie de la durabilité. Pour pouvoir investir et réinvestir dans le développement durable, il faut que l’entreprise soit en bonne santé. Si vous voulez prendre des mesures ‘vertes’, cela coûte souvent plus cher. J’imagine qu’une entreprise dont l’empreinte carbone est beaucoup plus importante que celle de Barco devra consentir des investissements nettement plus lourds pour atteindre la neutralité carbone. Il faut alors disposer d’une certaine solidité financière. Même pour une PME, il ne me semble pas évident d’investir dans des évaluations pour se conformer à la directive CSRD. Les pouvoirs publics pourraient également se pencher sur les réglementations : celles-ci pourraient être beaucoup plus simples. Et des incitations supplémentaires pourraient stimuler davantage la durabilité. »

Les initiatives circulaires ne font pas l’unanimité. Selon vous, comment y rallier un plus grand nombre de personnes ?

« Nous devrions sensibiliser davantage le public à la manière dont les produits peuvent être réintroduits dans la chaîne circulaire. Cela peut se faire, par exemple, en rendant les points de collecte des produits électroniques plus accessibles et plus visibles afin de ne pas les oublier. Il n’est pas encore dans l’ADN de chacun de traiter les appareils électroniques obsolètes de la manière la plus respectueuse de l’environnement. La séparation du plastique des déchets a également porté ses fruits, grâce à la mise en place de mesures plus strictes et à l’obligation de payer pour les contrevenants. En ce moment, le consommateur final reçoit également des messages contradictoires. Ce qui est important en Europe ne l’est plus aux États-Unis ? Cela ne favorise pas la sensibilisation. »