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Werner Annaert
Gestion des déchets SUEZ

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Auteur:

Nadine Saint-Pol, Corporate Consultant chez Group Casier, n.saint-pol@casier.be

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« Réutiliser les matières premières de manière durable »
« Réutiliser les matières premières de manière durable »

Werner Annaert est Director Business Development and Material Resources Management chez SUEZ. « Rendre possible la gestion correcte des déchets reste notre tâche prioritaire. Par ailleurs, SUEZ est un partenaire important des sociétés de production dans la transition vers l’économie circulaire. »

« Pour moi, la circularité signifie réduire l’utilisation de matières premières primaires de manière durable », nous explique d’emblée Werner Annaert. « La plupart des matériaux dont nous avons besoin dans la vie quotidienne sont rares et souvent indisponibles chez nous ou alors seulement en petites quantités. Pour nombre de ces matériaux, nous dépendons d’autres continents et de certains régimes dont la nature démocratique ou la stabilité n’est pas la caractéristique la plus évidente. Nous courons le risque qu’à un moment donné, certains de ces matériaux ne soient plus disponibles pour nous, soit parce qu’ils seront épuisés, soit parce que nous n’y aurons plus accès. Nous devons donc conserver et réutiliser au maximum les matériaux que nous possédons déjà ici, mais en agissant toujours de manière durable. Les activités doivent être correctes dans leur intégralité, également en termes de consommation d’énergie, de transport, etc. »

Comment SUEZ contribue-t-il à la transition vers une économie circulaire ?

Werner Annaert : « Veiller à ce que les déchets soient collectés et traités correctement reste notre tâche prioritaire. Il ne faut pas oublier que dans les années 60 et 70, toutes sortes de matières synthétiques et de produits chimiques ont été introduits dans la société de manière peu judicieuse : déversés illégalement, mal incinérés, etc., sans aucune forme de recyclage. C’est de là que nous démarrons. Si vous n’avez pas une bonne gestion des déchets, vous ne pouvez pas avoir une économie circulaire. Comparez la situation à un parcours scolaire : la gestion des déchets, c’est l’enseignement secondaire et ensuite vous passez à l’enseignement supérieur, c’est-à-dire l’économie circulaire. Si vous ne maîtrisez pas bien les bases, vous ne pouvez pas vraiment réussir par la suite. »

Werner Annaert
Vous êtes Director Business Development and Material Resources Management chez SUEZ. En quoi consiste exactement cette fonction ?

« Avec mon équipe, j’accompagne les entreprises de production dans leur transition vers un modèle de fonctionnement durable et circulaire et nous recherchons les meilleures solutions pour la gestion des déchets. Par exemple, nous regardons ensemble comment elles pourraient remplacer leurs matières premières primaires par des matières premières circulaires, les recyclats. L’exemple le plus récent est celui de Samsonite, qui a lancé une ligne internationale ECO à base de plastiques que nous recyclons dans nos différentes filiales. Mais nous cherchons aussi comment rendre les transports plus durables, par exemple en optant plus souvent pour le transport fluvial. En substance, l’économie circulaire consiste à économiser de nouvelles matières premières et à les remplacer par des matières premières déjà utilisées, mais cela doit également être fait de manière durable. Il faut s’assurer que la situation n’empire pas en termes de transport ou de consommation d’énergie, car alors on ne fait absolument pas avancer la société. La réutilisation des matériaux soulève ce type de questions. Je les analyse avec mon équipe. »

« Sans une bonne gestion des déchets, l’économie circulaire n’est pas réalisable. »
Werner Annaert
Les entreprises belges sont-elles prêtes pour ce mode de fonctionnement durable ?

« Chez SUEZ, nous constatons que les entreprises à la recherche de matières premières secondaires ont souvent froid aux yeux. Elles ont l’habitude de travailler avec une certaine matière première depuis des années et veulent logiquement s’assurer que la qualité de leur produit sera maintenue. Notre expérience nous enseigne qu’avec une bonne préparation et des tests approfondis, il ne devrait y avoir aucun problème. Plus nous pourrons citer de success-stories et plus les applications circulaires seront connues, plus la confiance sera grande. Nous aurons besoin de cette confiance. Si la demande n’augmente pas, nous continuerons à faire du surplace et ne progresserons pas. »

Comment voyez-vous la circularité comme modèle économique ?

« Pour rentabiliser la circularité, il faut en premier lieu éviter de rendre la pollution circulaire. Si un certain matériau contient un contaminant que vous ne pouvez pas éliminer, à cause de l’état d’avancement de la technologie ou à cause du prix de revient, vous devez alors accepter de devoir convertir ces matériaux en énergie. Le recyclage des matériaux n’est pas une option dans ce cas, car vous réintroduisez alors certains contaminants dans la société. Il est important de ne jamais cesser de penser en termes qualitatifs. Le jour où le recyclage engendrera des problèmes sociaux, ce jour-là l’économie circulaire sera morte. Nous serons alors à nouveau à la case départ et nous devrons faire beaucoup d’efforts pour retrouver la confiance et le soutien nécessaire à l’économie circulaire. On oublie également souvent tout l’aspect logistique. Lors de certaines conférences technologiques, les techniques de récupération des matériaux les plus intéressantes sont présentées, mais aucune réflexion n’est faite sur la manière de collecter ces matériaux en grande quantité. À un moment donné, il a été question des rare earth elements, les terres rares, que l’on trouve entre autres dans les téléphones portables. Il existe déjà toutes sortes de technologies pour les extraire des téléphones portables et des appareils électroniques, mais la première question qui doit se poser est de savoir comment collecter tous ces petits produits.  Un certain nombre de concepts ont déjà été développés entre-temps, mais cela reste un grand défi. »

Le tri à la source peut-il apporter une solution ?

« SUEZ se réjouit que la législation belge relative aux déchets et aux matériaux mette davantage l’accent sur la séparation des flux de déchets à la source. Nous y croyons fermement, car cela permet de préserver un niveau de qualité supérieur. Si vous rejetez les déchets ensemble sans les trier, les matériaux subissent une certaine dégradation, ce que nous voulons éviter. Si vous commencez à collecter les flux de déchets de manière sélective, il convient de réfléchir très attentivement à la façon dont vous le faites, sans les mélanger avec d’autres matériaux. Ici aussi, cela soulève des défis d’ordre logistique. »

Quel est le rapport entre le travail manuel et le traitement mécanique ?

« Chez SUEZ, nous ne sommes pas un grand partisan du contact manuel avec les déchets. Au sein du secteur on observe les deux options : il y a des entreprises qui optent en masse pour le travail manuel et font trier les déchets à la main. Il est vrai que cette manière de procéder permet de récupérer certains matériaux, mais est-il encore normal de recourir en 2021 à la main de l’homme pour ce type de tâches ? J’ai quelques interrogations à ce sujet d’un point de vue sécuritaire et social. Parfois il n’y pas d’autre choix – SUEZ a aussi des équipes de tri – et puis il s’agit de l’organiser le plus professionnellement possible, mais nous voulons toujours aller plus loin dans l’automatisation des processus. On construit actuellement une nouvelle installation de tri de pointe à Gand avec toutes les technologies possibles disponibles. Il est difficile dans notre secteur concurrentiel de justifier et de calculer un investissement de telle ampleur. Les autorités publiques devraient également se pencher sur ces questions. Elles insistent sur le fait que tout doit être bien trié, mais prêtent trop peu d’attention à la manière dont les entreprises le font. »

SUEZ travaille-t-il parfois avec des entreprises de travail adapté ?

« Absolument, et je pense que nous le ferons davantage à l’avenir. Les entreprises de travail adapté peuvent réaliser certaines activités trop coûteuses dans le secteur régulier, mais qui sont nécessaires pour permettre un bon recyclage. Pensez, par exemple, aux textiles portant certains logos qui se composent d’un matériau différent et qui doivent être retirés avant que les textiles eux-mêmes puissent être recyclés. Il est cependant important de bien définir le rôle de chaque acteur afin que la main-d’œuvre régulière et la main-d’œuvre subventionnée se complètent et ne se concurrencent pas. »

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