Jeremy Cousin
Jérémy Cousin
CIV

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CIV

Auteur:

Paul-Emmanuel Casier, Managing Director chez Group Casier, p-e.casier@casier.be

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« Réduire et valoriser notre empreinte numérique »
« Réduire et valoriser notre empreinte numérique »

Conceptualiser un centre de données à l’empreinte écologique quasi neutre, tel est le défi que Jérémy et Sébastien Cousin se sont lancé lorsqu’ils ont pris la direction de CIV. Les deux Alternative Data Centers qu’ils ont installés dans le nord de la France, prouvent qu’il est bel et bien possible de réduire considérablement l’empreinte carbone en valorisant les calories des serveurs.

CIV c’est avant tout une belle aventure familiale. « Notre père, Serge Cousin, a toujours été curieux du monde qui l’entoure », raconte Jérémy Cousin. « Entrepreneur dans l’âme, ses passions pour l’électronique et la technique l’ont assez vite poussé à créer sa propre entreprise. Très attentif aux attentes d’un monde qui évolue à la vitesse de la lumière et rythmé par des avancées techniques extraordinaires, il crée CIV en 1974, société spécialisée dans l’ensemble des services qui permettent à l’informatique de fonctionner : maintenance, sécurité des installations techniques, réseaux, salles de serveurs ... Depuis, CIV n’a cessé d’évoluer à l’image de son créateur, portée par une dynamique toujours plus visionnaire. En 1996, mon frère et moi avons rejoint l’entreprise familiale, dont nous avons pris en main la direction quelques années plus tard. Sébastien est devenu le Directeur Général, moi le Président du Directoire. »

Comment résumeriez-vous l’économie circulaire en une phrase ?

Jérémy Cousin : « L’économie circulaire a pour effet de réutiliser ce que nous pourrions prendre pour un déchet comme un atout pour d’autres économies qui pourront en tirer bénéfice sans coût. »

Jérémy Cousin
Comment la société CIV contribue-t-elle à la transition vers une économie circulaire ?

« La digitalisation accompagne notre quotidien au plus près à tel point que PME et PMI ne peuvent plus travailler sans support numérique. User d’un data center devient de fait l’une des solutions préconisées pour protéger et préserver toutes les données inhérentes aux sociétés. Les dispositifs mis en place pour assurer le bon fonctionnement d’un tel système demandent une énergie colossale doublée de matériaux très spécifiques. Conscient des dangers écologiques que cela représente, CIV se devait de réinventer les fondements mêmes de sa conception de l’hébergement de serveurs. En 2010 puis en 2016, nous avons créé deux Alternative Data Centers, situés respectivement à Sainghin-en-Mélantois (près de Lille) et à Anzin (près de Valenciennes). »

« La technologie est devenue une source intarissable de chaleur que nous pouvons capter, stocker et restituer. »
Jérémy Cousin
Et vous parvenez à y réutiliser la chaleur fatale des serveurs ?

« En effet. Les spécificités climatiques du territoire nous permettent de capter l’air froid de l’extérieur afin de refroidir les serveurs. Et par le biais d’un circuit dynamique, nos Alternative Data Centers raccordés à une boucle géothermique permettent, grâce à la chaleur créée par leur activité, de chauffer gratuitement les bâtiments collectifs avoisinants. Il s’agit d’un dispositif qui consiste à échanger de la chaleur par du froid, c’est du gagnant-gagnant ! Depuis 2021, les Alternative Data Centers de CIV sont certifiés ISO 50001 (gestion rationnelle de l’énergie), forme de reconnaissance de nos bonnes pratiques en la matière depuis de nombreuses années. Notre ambition “ultime”, de manière générale, est de pouvoir inscrire au maximum nos Alternative Data Centers dans un cercle vertueux, avec une réduction des dépenses énergétiques couplée à une utilisation maximale de la chaleur fatale dégagée par les équipements (partenariats avec nos voisins). »

Quel est selon vous le rôle de la technologie dans l’économie circulaire ? Qui sont les pionniers dans ce domaine ?

« La technologie est à l’origine de notre surconsommation, mais dans notre activité elle devient une source intarissable de chaleur que nous pouvons capter, stocker et restituer. Elle est donc nécessaire, mais doit systématiquement avoir la capacité d’analyser son impact sur l’environnement, elle devrait être neutre (dans le meilleur des mondes). Les pionniers dans ce domaine sont les animaux, les forêts, les océans, Dame Nature… »

CIV, Alternative Data Centers
Selon vous, quelles innovations circulaires sont amenées à percer ?

« Des data centers qui chauffent des entreprises avec les serveurs de ses mêmes entreprises. Pour citer le chimiste français Antoine Laurent de Lavoisier : “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.” »

Quelle application circulaire a un coût limité, mais un impact important ?

« Dans notre métier, le fait de basculer les serveurs actuellement hébergés dans les sièges sociaux des sociétés a un coût très limité et permet même d’économiser. L’impact est énorme : suppressions des déplacements de véhicules, suppression de toutes formes de maintenance, réduction de 60 % de la facture d’énergie d’un siège social et donc de ses émissions EqCO2… »

Comment pouvons-nous, en tant qu’individus, mieux contribuer à une économie circulaire ?

« En prenant le temps d’analyser notre façon de consommer et en maîtrisant nos déchets, nos déplacements, notre alimentation, nos gaspillages… »

Comment obtenir l’adhésion du grand public ?

« Bonne question à laquelle il m’est difficile de répondre, car nos sociétés occidentales très orientées “consommation” et bas coûts ne favorisent pas cette vision. Augmenter les coûts des énergies, des transports, de l’eau… pourrait diminuer la consommation, ce qui engendrerait des disparités sociales. L’équation est complexe. Les solutions existent, mais méritent d’être mieux expliquées. »

À quel type de solutions pensez-vous ?

« Un premier exemple : investir plus dans la production photovoltaïque d’un foyer. On incite les citoyens à épargner sur des comptes bancaires qui ne leur rapportent rien, voire qui consomment de l’énergie. Et si nous expliquions que 7000 euros sur un livret A rapportent quelques dizaines d’euros par an et que 7000 euros d’investissement photovoltaïque sur une toiture rapportent – en France – environ 400 euros par an de revenus, 15 % d’économies d’énergie et une plus-value sur le bien en cas de revente ? Dans le même esprit, sur le volet consommation d’énergie d’un foyer, la mise en place d’une pompe à chaleur permet de réduire de 50 % la consommation d’énergie d’un foyer en utilisant les calories qui existent dans l’air. Pour exemple, un radiateur électrique de 2000 W produit 2000 W de chaleur, une pompe à chaleur de 1000 W produit 4000 à 5000 W de chaleur. Il en est de même pour les commerces de proximité qui limitent les déplacements et donc les dépenses, les véhicules avec un mix full elec (pour la ville) et hybride (pour les déplacements plus longs). En conclusion, l’adhésion du grand public passera, de mon point de vue, par la diminution de ses dépenses, l’amélioration de son quotidien et de son confort en prenant conscience de la diminution de son impact sur l’environnement et l’énergie. »

Comment CIV s’inscrit-elle dans une démarche globale d’entrepreneuriat durable ?

« Au sein de CIV, nous nous appuyons sur les sept piliers généralement retenus comme socles de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : 1) une gouvernance responsable, 2) le respect des droits de l’homme, 3) les relations et conditions de travail, 4) l’environnement, 5) la loyauté des pratiques, 6) les questions relatives aux consommateurs et 7) les questions relatives aux communautés et au développement local. »

Pourriez-vous nous expliquer un peu plus en détail comment CIV gère les questions relatives aux consommateurs ?

« Dans notre cas, il s’agit avant tout de veiller à la satisfaction de nos clients, au cœur des préoccupations quotidiennes des équipes de CIV, en leur apportant les réponses adaptées à leurs attentes, en assurant une présence humaine particulièrement réactive en continu sur les sites, et en devançant autant que possible les besoins futurs en proposant des services complémentaires aux offres de base, voire en faisant évoluer celles-ci si nécessaire. Mais au-delà, CIV cherche également à inciter ses clients à l’accompagner dans ses démarches écoresponsables en leur proposant, avec des partenaires tiers, des possibilités de modèles de fonctionnement/pratiques plus vertueux pour leurs équipements informatiques, ainsi que des formes d’engagement en termes de compensation carbone. »

Qu’en est-il de l’axe « communautés et développement local » ?

« CIV est une entreprise des Hauts-de-France qui est bien ancrée dans sa région tout en ayant un rayonnement et une ouverture indéniable à l’échelle nationale et internationale. Dans toute la mesure du possible, CIV privilégie dans la recherche de prestataires ou fournisseurs, à tous niveaux (prestations techniques, prestations de services, prestations intellectuelles…), les entreprises régionales ou frontalières, tant pour favoriser l’emploi local que par souci écologique en évitant les longs déplacements. »

Quel message voudriez-vous partager en guise de conclusion ?

« Notre génération sait que les enjeux écologiques sont aujourd’hui indissociables du progrès technologique. Les deux premières révolutions industrielles – le charbon en 1780 et l’électricité, pétrole ou gaz en 1880 – marquent ainsi deux avancées spectaculaires. Pour autant, aussi vitales et incroyables soient-elles, elles ont laissé d’alarmants stigmates sur notre planète. Nous n’avons pas le droit de mener la troisième, celle du numérique, sans prendre la pleine mesure de ce que nous transmettons aux générations futures. Nous devons et pouvons agir ; la planète doit être respirable et verte pour nos enfants. »