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Philip Marynissen
VITO et Vlaanderen Circulair

Photographe:

VITO

Auteur:

Sara Adam, Corporate Consultant chez Group Casier, s.adam@casier.be

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« L’économie circulaire a besoin de normalisation et de sécurité juridique »
« L’économie circulaire a besoin de normalisation et de sécurité juridique »

Les entreprises actives dans l’économie circulaire rencontrent souvent des problèmes de financement pour leurs projets innovants. « La pression exercée par le monde financier, qui vise à réaliser un modèle rentable à court terme, est en contradiction avec la vision à long terme d’un modèle d’économie circulaire », observe Philip Marynissen. Grâce à VITO et à Vlaanderen Circulair, il contribue à éliminer ces goulets d’étranglement.

Il y a dix ans, Philip Marynissen a commencé à travailler au VITO, l’Institut flamand pour la recherche technologique. « Durant mes premières années en tant que chercheur chez VITO, je me suis principalement consacré aux évaluations de la durabilité et aux analyses du cycle de vie (ACV) », explique Philip Marynissen. « Depuis 2015, je suis pleinement actif dans ce domaine passionnant qu’est l’économie circulaire et, au sein de VITO, je conseille et j’effectue des recherches sur la façon dont les données peuvent être utilisées pour déployer des modèles commerciaux circulaires. Je suis également partiellement détaché auprès de Vlaanderen Circulair (Circular Flanders), un solide partenariat public-privé sur l’économie circulaire en Flandre, dont VITO est l’un des principaux partenaires. »

Chez Circular Flanders, vous endossez la fonction d’Access to Finance Facilitator. En quoi consiste cette fonction, précisément ?

Philip Marynissen : « Au travers de ma fonction, je me concentre principalement sur le financement d’une économie circulaire. Je prodigue des conseils sur les solutions de financement existantes aux entreprises actives dans l’économie circulaire, notamment les start-up et les scale-up. Je contribue également au développement de nouvelles solutions de financement en sensibilisant le secteur financier à l’économie circulaire et à la durabilité. J’étudie le modèle d’entreprise actuel et j’essaie de déterminer quelles sont les difficultés en termes de financement. Une entreprise qui se tourne vers une banque pour financer un modèle d’entreprise circulaire sera, par exemple, interrogée sur la valeur résiduelle des actifs mis dans le modèle (de service) circulaire. Dans une économie circulaire, les produits recyclés, réparés, améliorés... de même que les produits de seconde et troisième main circulent beaucoup plus. Il est difficile d’en déterminer la valeur alors qu’il n’existe pas encore de marché mature de seconde ou troisième main pour nombre de ces produits. Nous observons cependant que de plus en plus d’entreprises spécialisées se concentrent sur la réparation et le reconditionnement de grands lots de produits économiquement dépréciés. La valeur intrinsèque et les fonctionnalités résiduelles des produits en fin de vie suscitent de nouveau un regain d’intérêt. »

Philip Marynissen – VITO en Vlaanderen Circulair
Les start-up de l’économie circulaire trouvent-elles généralement les financements dont elles ont besoin ?

« Ce n’est pas encore si évident, même si les formes de financement et de capital ne manquent pas. Les budgets de la Banque européenne d’investissement, qui est considérée comme le moteur de l’économie circulaire, sont généralement trop importants par rapport aux besoins de financement des petites start-up qui réalisent souvent les plus grandes innovations dans une économie circulaire en pleine croissance. La vision à court terme encore très présente dans le monde financier est en contradiction avec la vision à long terme d’un modèle d’économie circulaire. J’ai bon espoir que nous serons en mesure de supprimer ces goulets d’étranglement, même si toute transition sociale, comme celle vers un modèle économique différent, prend beaucoup de temps. Des initiatives telles que la Taxonomie européenne pour des activités durables permettent de donner une ligne de conduite et d’offrir une sécurité (juridique) au secteur financier ainsi qu’aux investisseurs. Des critères techniques seront aussi introduits prochainement, spécifiquement pour les activités s’inscrivant dans une économie circulaire. Cela contribue à faire de l’économie circulaire un concept plus mature et plus tangible dans le monde financier. »

« L’entrepreneuriat circulaire est en train de devenir la norme. Cherchez donc, dès aujourd’hui, les opportunités pour votre entreprise. »
Philip Marynissen
Quelle est, selon vous, l’essence d’une économie circulaire ?

« Si la circularité est un concept facile à comprendre, sa mise en œuvre pratique est souvent loin d’être évidente. La circularité n’est pas une fin en soi, mais un moyen de répondre aux besoins de la société avec l’empreinte matérielle la plus faible possible. Les produits doivent à nouveau durer plus longtemps et être produits de préférence en Europe. Il est important de noter que la circularité n’est pas nécessairement synonyme de durabilité. La mise en œuvre de stratégies de circularité au sein d’une entreprise vise à rendre votre entreprise plus compétitive tout en augmentant efficacement sa performance en matière de durabilité. Or, il s’agit souvent d’un domaine encore peu étudié. »

Que faut-il pour que l’économie circulaire se développe ?

« Tout d’abord, davantage de normalisation et de sécurité juridique. C’est essentiel si l’on veut que les principes de l’économie circulaire soient adoptés par un groupe plus large. Le rôle des financiers et des assureurs requiert en outre davantage de créativité. Dans une économie circulaire, beaucoup plus de partenariats sont formés à travers différentes chaînes de valeur et les produits ont une autre vie. Cela exige de la part des financiers et des assureurs une approche différente de celle de l’économie linéaire. Dans le même temps, les risques liés à une économie linéaire apparaissent de plus en plus clairement, ce qui rend automatiquement les solutions de l’économie circulaire plus attrayantes. Le regain d’intérêt actuel pour l’approvisionnement local en matériaux, de réemploi ou non, étant donné la stagnation des chaînes d’approvisionnement mondiales liée à la pandémie de Coronavirus, en est un bon exemple. »

En tant qu’expert du VITO, vous êtes également impliqué dans la collecte et l’analyse des données. Comment les données peuvent-elles contribuer à accélérer la transition vers une économie circulaire ?

« Les consommateurs, le gouvernement, mais aussi les entreprises se montrent tous beaucoup plus critiques dans des domaines tels que le travail des enfants, la santé et la durabilité. Le besoin de transparence ne s’en fait que plus sentir. Les nouvelles technologies de recherche et de gestion des données peuvent répondre à ce besoin. Les données permettent l’analyse approfondie de l’ensemble de la chaîne de production, et sont donc très importantes. Pensez, par exemple, à la symbiose industrielle : l’entreprise X a un flux de déchets que l’entreprise Y peut valoriser. Comment l’entreprise X et l’entreprise Y peuvent-elles se mettre en rapport ? Il s’agit de difficultés pratiques dans le cadre desquelles l’analyse des données et, par exemple, l’appariement anonyme peuvent s’avérer utiles. Parallèlement à cela, on note l’émergence de nombreuses nouvelles technologies susceptibles d’apporter des solutions, comme les blockchains ou les nouveaux algorithmes. Des entreprises flamandes telles que Nyala Blue, Too Good To Go et Foresightee sont notamment actives dans ce domaine. »

Quelles sont les innovations circulaires dont vous attendez beaucoup ?

« Le terme 'biens de consommation' dit tout. Aujourd’hui, nous les achetons encore souvent, mais je pense que le fait de les « posséder » va devenir de moins en moins populaire, au profit des contrats d’utilisation. Quoi qu’il en soit, j’examine également avec beaucoup d’intérêt les technologies axées sur les données mentionnées plus haut qui peuvent fournir une meilleure image des opportunités circulaires, comme les plateformes de cryptomonnaies qui augmentent la transparence des chaînes de valeur. Il faut également saluer la multiplication des modèles de services axés sur la durabilité. Nous constatons en outre que toutes les stratégies circulaires en Flandre sont reprises par des organisations de nombreux secteurs, ce qui est très encourageant. L’économie circulaire s’impose de plus en plus rapidement, dans le sillage de la durabilité qui acquiert énormément de valeur dans le monde des affaires. En témoignent les nombreux exemples que vous trouverez sur la page « Doener » du site Internet de Vlaanderen Circulair. »

Comment impliquer davantage les consommateurs dans la circularité ?

« Les consommateurs jouent un rôle important, mais lorsqu’ils font leurs achats, ils sont souvent motivés par des arguments autres que la durabilité. Les réseaux sociaux, les médias et la publicité ont une influence importante à cet égard. Il y a aussi souvent un fossé entre la pensée durable et l’action durable. La prise de conscience constitue une base essentielle, mais est souvent insuffisante. L’astuce consiste à mettre bien en évidence les avantages d’un produit circulaire pour le consommateur, ainsi qu’à stimuler davantage ce dernier au travers de prix attractifs et d’avantages en termes de qualité. Ce qui peut toucher une corde sensible, c’est l’idée de « le dégager de tout souci » : vous enlevez un fardeau des épaules des consommateurs en remplaçant un produit par un service. La société néerlandaise Bundles propose, par exemple, des lave-linge sur le marché privé moyennant une redevance mensuelle. Le client a la garantie d’un lave-linge en bon état de fonctionnement, sans frais imprévus. Les capteurs des machines Bundles collectent également des données qui sont envoyées au fabricant. Il peut ainsi surveiller l’utilisation et procéder à des ajustements, si nécessaire : par exemple, n’utilise-t-on pas trop de détergent ? Les réglages peuvent prolonger la durée de vie de la machine, ce qui est finalement dans l’intérêt de chacun. Nous devons renoncer à l’obsolescence programmée de ces machines. Il faudra du temps et de l’adaptation pour que les consommateurs renoncent à l’achat d’un appareil au profit de la location. Les consommateurs sont en effet tellement habitués à acheter des objets et à en retirer un certain sentiment, que la souscription d’un abonnement pour utiliser un appareil plutôt que de l’acheter nécessitera un changement radical. »

Réfléchissez-vous également à ce que vous achetez ?

« Certainement, même si prendre la bonne décision lors d’un achat relève parfois du défi. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte : la qualité, le prix, et je suis également attentif aux critères de durabilité. Pour certains produits, il est facile de faire un choix durable, par exemple en optant pour les transports publics ou le vélo. Mais pour de nombreux produits, le choix de la variante la plus durable s’apparente encore à une véritable enquête, ou l’information n’est tout simplement pas disponible. C’est pourquoi, je le répète, il y a urgemment besoin de normalisation et d’obligations pour une communication uniforme concernant la durabilité d’un produit ou d’un service. Pour l’alimentation, je pense que l’Eco-Score est une bonne initiative : il y a un seul et unique score qui donne des informations claires. Nous avons besoin d’un tel système pour tous les biens de consommation afin que les consommateurs aient une meilleure idée de l’impact environnemental des produits qu’ils achètent. Nous avons déjà mis au point un indice de réparation pour les appareils électroménagers, et nous développons actuellement un Eco Repair Score pour communiquer l’impact environnemental du remplacement et de la réparation des pièces automobiles cassées. De nombreuses autres initiatives de ce type verront encore le jour à l’avenir. Dans le monde de l’économie circulaire durable, les choses bougent plus vite que jamais, et c’est très agréable à voir. »

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